Rencontre céramique dans le Jura

L’idée de ce blog est de rendre compte des découvertes, des rencontres, des questionnements pendant notre voyage. Le voyage n’a pas encore commencé, mais le projet si, avec la conversion du bus. On s’est dit qu’on pouvait donc commencer des rencontres à travers la Suisse. Un moyen de faire vivre ce blog et de découvrir notre pays d’une autre manière. Et aussi parce que c’est ici qu’on a développé nos intérêts pour les sujets qu’on veut traiter durant notre voyage (artisanat, architecture, féminisme, environnement, médecine naturelle…). Voici donc le premier article rencontre sur l’artisanat de la céramique, en sons et en images.

Départ pour le Jura, plus précisément le petit village de Bonfol où règne une tradition de céramique qui est perpétuée par Felicitas Holzgang. Ce sera un voyage avec les transports en commun et en solo (pour Maud). Mais pourquoi Bonfol ? Il y a un peu plus d’une année, j’ai découvert le travail de la potière Felicitas Holzgang dans l’émission ABE (émission du 22.01.2019) et dans le reportage Passe-moi les Jumelles (émission du 15.03.2019). Je m’étais dit que j’irai voir son atelier un jour ! En septembre 2020, je me décide à la contacter, et après quelques échanges par email, je la rencontre un après-midi pluvieux (et même orageux) de septembre. J’ai enregistré nos échanges et quelques brefs extraits audio ponctuent la suite de l’article. Je vous recommande de les écouter pour profiter de l’accent très sympathique de Felicitas 😉

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Après une visite de Porrentruy, son jardin botanique (un des plus anciens de Suisse) avec les serres luxuriantes et le musée absurde de Plonk et Replonk, je prends le bus pour Bonfol. Un des plus beaux villages de l’Ajoie selon Felicitas Holzgang, où la céramique est une tradition. Dans la région, l’argile est abondante, de bonne qualité et est exploitée depuis au moins 1544. C’était le cœur de la production pour toute la Suisse, de nombreux potiers s’y sont établis, puis des grandes entreprises de production céramique se sont développées. Maintenant, de cette tradition il ne reste que le musée de la poterie et l’atelier de Felicitas Holzgang !

Felicitas est maître céramiste diplômée, elle a son atelier à Bonfol depuis 1991. Elle ne travaille pas avec l’argile de la région, car elle est très rustique et donne un aspect très brut, comme le genre de pièces que l’on trouve souvent en Afrique… Mais ce n’est pas ce que les gens recherchent ici… et surtout elle ne permet pas de respecter les lois en vigueur.

Ma visite tombe pendant son exposition annuelle intitulée « Quand le mot prend corps » où elle illustre des proverbes avec des créations en céramique. L’expo est à découvrir jusqu’au 24 octobre, du mardi au dimanche, de 14h à 17h. Pourquoi avoir choisi les proverbes ? Felicitas aime la langue et savait qu’elle allait en faire un thème un jour pour une exposition annuelle. Pour elle, l’argile est comme les lettres, elle lui permet de créer à l’infini, comme un écrivain qui écrit tous les jours une autre histoire avec les mêmes lettres ! C’est aussi un souvenir d’enfance; sa maman utilisait souvent des proverbes pour éduquer ses enfants.

Felicitas a passé en revue des quantités de proverbes pour trouver ceux qui lui parlent. Il lui en fallait une centaine et donc 100 pièces à créer. En visitant son exposition, on découvre des proverbes du monde entier ! Ils sont anciens et sont l’expression d’une culture qu’on ne connait pas forcément, et pourtant ils nous parlent et sont toujours d’actualité. Ils font parfois référence à des objets et des habitudes que l’on a perdus, mais la signification reste ! Les proverbes reflètent le quotidien et les expériences de vie.

Alors que Felicitas emballe soigneusement le bol que j’ai acheté, je découvre des pièces en train de sécher qui attendent la prochaine cuisson. Des pièces utilitaires pour les besoins de tous les jours et aux formes plus simples. Elle m’explique que les formes de ces pièces ne sont pas un hasard, elles ont une raison !

Les objets de céramique utilitaire sont pensés afin d’être pratiques : la prise en main d’une tasse et son rebord, le bec d’une théière, la pente d’une assiette… Certaines formes n’ont plus de raison d’être maintenant, car elles ne répondent plus à une utilisation actuelle, comme la cafetière qui trône dans l’espace expo et les pots à confiture et à gras. Écoutez l’explication de Felicitas…

Avant, la céramique était incontournable pour la vie de tous les jours, pour cuire, manger, conserver, boire, nettoyer… De nos jours, avec la production industrielle et l’utilisation massive du plastique, le métier de potier n’est plus une nécessité pour les objets du quotidien, il est donc difficile d’en vivre. L’émission À Bon Entendeur, dont je parlais en intro, révèle l’origine des caquelons à fondue vendus dans nos grands magasins : Europe de l’Est, Asie et Moyen-Orient…

La poterie est le témoin d’une époque et d’une culture, comme les proverbes. Felicitas pense que son travail est nécessaire moralement, car il représente une histoire et un savoir-faire. Elle a bon espoir que les tendances zéro déchets et la sensibilisation à l’environnement incitent les gens à considérer à nouveau le travail artisanal.

La tradition de céramique utilitaire se perd en Suisse, mais selon Felicitas, plus on va au Sud et à l’Est du monde, plus on est proche du métier de potier. Par exemple, dans certaines régions en Inde, le thé dans la rue est servi dans de petites tasses en céramique jetées directement après utilisation. Cet article (en anglais, désolée… mais les photos sont magnifiques !) parle de tasses à thé en argile à Calcutta et pose la question du remplacement par le plastique. En Galice, les plats en céramique pour cuire les aliments et les bols pour servir des soupes comme le Caldo Galego sont encore bien souvent produits par les potiers du coin.

Ce premier article sur la poterie a apporté des perspectives auxquelles je ne m’attendais pas ! C’est un point de départ idéal. Comme notre voyage en bus devrait nous emmener vers à l’Est et un peu au Sud, il y aura de quoi découvrir niveau céramique ! D’ailleurs, Felicitas me conseille vivement d’aller à la rencontre des potiers et potières et de demander la raison de la forme des pièces qu’ils font. C’est un témoin d’une culture et un bout d’histoire, on peut apprendre beaucoup de choses à travers une simple pièce en argile.

Un énorme merci à Felicitas pour le temps pris pour m’accueillir et discuter avec moi ! Cette rencontre a aussi planté une petite graine dans ma tête qui va germer et grandir durant le voyage !

Je laisse Felicitas conclure…